La petite fille de Monsieur Linh, Philippe Claudel
C'est un vieil homme debout à l'arrière d'un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est seul désormais à savoir qu'il s'appelle ainsi. Debout à la poupe du bateau, il voit s'éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l'enfant dort. Le pays s'éloigne, devient infiniment petit, et Monsieur Linh le regarde disparaître à l'horizon, pendant des heures, malgré le vent qui souffle et le chahute comme une marionnette.
Un tout petit roman qui se range, selon moi, à côté du Petit Prince dans la bibliothèque. Lu en quelques heures pendant mes trajets en bus, c'est une fable tendre, un concentré de délicatesse et d'émotion pure que nous offre Claudel, à travers son écriture dépouillée. L'histoire dramatiquement banale d'un vieillard obligé de quitter son pays pour fuir la guerre qui a ravagé son village. Lui et sa petite fille qu'il presse contre son coeur sont les seuls rescapés. Désemparé face à un pays qu'il ne connaît pas, la tête encore remplie de la chaleur de sa terre natale, le fragile Monsieur Linh va faire la rencontre d'un homme cabossé lui aussi, rongé par la culpabilité. Ses aveux sont pour moi le plus beau passage du roman. Au-delà des mots, ces deux-là partagent leur douleur et leur solitude... jusqu'au dénouement, bouleversant. J'ai adoré cette très belle parenthèse mélancolique.